Les herbiers de posidonie :
forêts sous-marines aux mille vertus
Silencieuse et majestueuse, la posidonie (Posidonia oceanica) tapisse les fonds marins de la Méditerranée depuis des millions d’années. Bien qu’elle ressemble à une algue, cette plante marine à fleurs – une véritable relique végétale – appartient à une lignée évolutive remontant à l’ère des dinosaures. Dotée de racines, de fleurs et de fruits semblables à des olives, la posidonie pousse lentement (à peine 1 cm par an) mais peut vivre plusieurs milliers d’années. Ce rythme discret cache pourtant un pouvoir immense.
Souvent méconnue ou mal perçue lorsqu’elle s’échoue sur les plages, la posidonie est en réalité un pilier écologique. Elle joue un rôle crucial dans la lutte contre l’érosion côtière grâce à ses banquettes naturelles, constitue un abri pour des milliers d’espèces marines, filtre et oxygène l’eau, et stocke le carbone de façon durable. Elle est à la fois la forêt, le berceau, et le garde-fou de la Méditerranée. Et pourtant, cette espèce endémique emblématique est aujourd’hui menacée, victime de l’impact des activités humaines, de la pollution et de l’ignorance.
Un projet au service d’un trésor marin
Consciente de l’urgence de préserver cette espèce phare de la région de Monastir, l’Association Notre Grand Bleu a lancé en 2023 le projet Eco-Mer PPP : Posidonie, Préservation, Prospérité, dans le cadre du programme TransCap 3 avec une approche holistique ancrée dans la sensibilisation, la valorisation, la dépollution et le renforcement des capacités locales.
Le projet s’est articulé autour des axes stratégiques :
Sensibiliser pour protéger
Les premières pierres de la conservation sont la connaissance et la sensibilisation. Ce pilier du projet visait à engager les pêcheurs, futurs pêcheurs et chasseurs sous-marins autour des valeurs écologiques et économiques de la posidonie et l’impact de la pollution sur les écosystémes marins. Grâce à des réunions, des formations collaboratives et des échanges locaux, 68 participants ont été mobilisés. L’adhésion des communautés locales a permis de signer une convention avec le Club des Activités Nautiques de Monastir, ouvrant la voie à 7 missions de prospection et 3 missions de nettoyage des fonds marin du baie de monatsir. Le lien entre la préservation des herbiers et la prospérité des pêches locales a été au cœur du dialogue.
Nettoyer les abysses : à la recherche des filets fantômes
La protection des herbiers passe aussi par l’action directe. Le projet a permis d’identifier les zones d’accumulation de déchets marins, notamment les filets fantômes – ces engins de pêche abandonnés qui continuent de piéger la vie marine. Quatre missions de prospection ont permis de localiser ces menaces invisibles. Lors de trois missions de nettoyage, 500 nasses en plastique et 23 kg de filets fantômes ont été retirés des fonds marins, avec la participation de pêcheurs locaux et de plongeurs bénévoles.
Valoriser les déchets, valoriser les humains
Dans une démarche inclusive et circulaire, le projet a mis en place des ateliers hebdomadaires de recyclage des déchets marins, impliquant deux centres pour personnes handicapées. Les participants ont transformé les déchets en créations artistiques, générant les premiers revenus avec une vente lors d’une foire . Un site web est en cours de développement pour assurer la pérennité de cette activité. Parallèlement, des formations ont été assurées auprès de femmes de pêcheurs, qui ont appris à fabriquer des nasses traditionnelles biodégradables, promouvant une pêche plus durable.
Former les gardiens de la posidonie
Les jeunes sont les futurs gardiens de la mer. Le projet a entamé des sessions théoriques et pratiques pour former aux techniques de suivi et de restauration des herbiers de posidonie. À travers des activités de terrain, comme le balisage et l’évaluation de densité, des jeunes membres de l’association ont acquis des compétences de base en écologie marine appliquée.
Hôtellerie et nature : vers une coexistence durable
Enfin, le projet a sensibilisé les acteurs du secteur touristique, notamment les hôteliers, à l’importance de conserver les banquettes de posidonie sur les plages, en tant que solution naturelle contre l’érosion. Une mission d’échange aux îles Baléares a permis d’observer des exemples inspirants, notamment l’utilisation de la méthode des mille-feuilles pour stabiliser le littoral. Ces échanges ont favorisé l’adoption de bonnes pratiques de gestion durable dans les hôtels de la région.
Un projet en harmonie avec la nature
Le projet Eco-Mer PPP n’est pas seulement un programme d’activités. C’est une histoire de reconnexion entre les humains et leur mer, entre les traditions et les solutions modernes, entre la richesse écologique et la prospérité locale. En redonnant à la posidonie la place qu’elle mérite dans nos imaginaires et nos politiques de conservation, l’Association Notre Grand Bleu rappelle que la Méditerranée peut encore retrouver son équilibre, à condition que nous l’écoutions et la respections.