Quand une jeune association transforme un marais salant en zone protégée

Dans le coin nord-ouest de la Libye, là où les marais salants rencontrent la mer Méditerranée, un mouvement local a fait naître une initiative environnementale audacieuse : la création d’une réserve naturelle humide dans la zone de Mallahet Zuwara.

Derrière ce projet : Edama for Nature Conservation, une jeune organisation libyenne , née du mouvement environnementaliste libyen.Fondée par des Libyens et Libyennes convaincus que la protection de la nature commence par l’implication des communautés locales.Edama est membre de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) et de son comité national libyen.

Depuis sa reconnaissance officielle en 2022 par la Commission de la société civile libyenne et son enregistrement au ministère de l’Environnement, Edama œuvre pour la sensibilisation à la protection de l’environnement, la durabilité et la mobilisation citoyenne.

Leur terrain d’action : la zone humide de Zuwara, l’une des plus précieuses de la région pour les oiseaux migrateurs. Un écosystème fragile, menacé par la dégradation, l’urbanisation et le manque de gestion durable. Mais aussi un lieu chargé de mémoire, de culture, et de potentiel. Avec le projet « Préservation du marais salé de Zuwara » dans le cadre du programme PPI-OSCAN 3 (coordonné par l’UICN-Med et financé par le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM), la Fondation MAVA et le Sigrid Rausing Trust ) , Edama s’est donné pour mission de préserver cette richesse naturelle. Ce projet ambitieux comprend l’élaboration d’un plan de gestion environnementale, la restauration d’espaces dégradés, mais aussi – et surtout – l’autonomisation des jeunes et des femmes à travers des activités génératrices de revenus durables.

« Notre objectif n’est pas seulement de protéger la nature. Nous voulons créer un lien fort entre les habitants et leur environnement, en les rendant acteurs du changement », explique un membre d’Edama. »

Un territoire menacé… mais ancré dans l’identité locale

« ملاحات زوارة ومواردها نظامًا بيئيًا ومصدرًا رئيسيًا للمعيشة للسكان المحليين منذ العصور القديمة، وهي جزء من هويتهم الأمازيغية وتراثهم الثقافي »
“Les marais salants de Zuwara et leurs ressources constituent un écosystème et une source principale de subsistance pour les communautés locales depuis l’Antiquité. Ils sont profondément enracinés dans l’identité amazighe et le patrimoine culturel de la région.”

Mais cet espace riche en biodiversité – notamment pour les oiseaux migrateurs et certaines espèces menacées – était confronté à de nombreux défis : dégradation des terres, rejets de déchets, constructions anarchiques, exploitation non durable des ressources, et absence de plan de gestion clair.

Un projet transformateur : écologie, inclusion et reconnaissance

C’est dans ce contexte qu’Edama a lancé, en 2023, son projet intitulé « Préservation du marais salé de Zuwara » avec l’appui du PPI-OSCAN 3, coordonné par l’UICN-Med et financé par le FFEM, la Fondation MAVA et le Sigrid Rausing Trust. Le projet s’est achevé fin 2024, marquant un tournant dans la gouvernance environnementale locale.

Ses composantes clés :

  • Délimitation du site et enregistrement auprès des autorités locales.

  • Étude des menaces écologiques et plan de restauration.

  • Sensibilisation communautaire (ateliers, nettoyages, consultations).

  • Inventaire de la biodiversité et suivi des espèces menacées.

  • Soutien aux artisan·e·s du sel, valorisation des pratiques durables.

  • Reforestation saline avec des espèces adaptées.

  • Et surtout, plaidoyer pour la protection officielle de la zone.

Une victoire législative historique

Grâce à une coordination étroite avec la municipalité de Zuwara, le ministère de l’Environnement, la direction de la conservation de la nature, et le Centre de recherche des espèces terrestres et marines, Edama a pu réunir tous les éléments techniques et juridiques nécessaires pour plaider en faveur d’un statut de protection.

Le 9 octobre 2024, le décret ministériel n°749 est publié : la zone humide de Mallahet Zuwara est désormais une réserve naturelle officielle, protégée sur 110 hectares.

« Ce décret est une réponse légale forte face aux menaces persistantes de pollution, de construction illégale et d’exploitation non durable », déclare l’équipe d’Edama.
« Il symbolise aussi la reconnaissance d’une approche ancrée dans la co-construction avec les communautés locales. »

Un modèle de réussite pour la jeunesse libyenne

Au-delà de la création d’une réserve, ce projet a permis de :

  • Renforcer les capacités de l’équipe (gestion, communication, suivi-évaluation).

  • Promouvoir une gouvernance participative incluant jeunes et femmes.

  • Créer un lien fort entre culture, écologie et développement durable.

  • Proposer la zone comme espace d’apprentissage pour les écoles, chercheurs et touristes responsables.

Ce succès montre qu’une jeune organisation de la société civile, bien accompagnée et profondément enracinée dans son territoire, peut provoquer un changement systémique. La zone humide de Zuwara est désormais protégée, mais aussi mieux comprise, valorisée, et aimée par ses habitant·e·s.

Le projet a permis de renforcer les capacités de l’équipe via des formations en gestion de projet, communication stratégique, planification, suivi-évaluation, et connaissance des politiques environnementales.

Le projet illustre la valeur du travail collectif et de la co-construction entre société civile, institutions étatiques et communautés locales pour une gestion durable des zones sensibles.